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    Le "Félix Roussel" ou l'épopée d'un troopship

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    Le "Félix Roussel" ou l'épopée d'un troopship Empty Le "Félix Roussel" ou l'épopée d'un troopship

    Message  Earendil Lun 27 Juil - 14:56

    Le "Félix Roussel" ou l'épopée d'un troopship
    Auteur : Yannis Kadari
    Le paquebot "Félix Roussel", fut angarié par les britanniques à la fin juin 1940, lors de son passage via le canal de Suez à destination de Marseille. De conception moderne, lancé en 1929 et transformé en 1935, le paquebot affichait un déplacement de 21.115 tonnes. Affecté aux lignes l'Orient et l'Extrême Orient, il appartenait à la compagnie des Messageries Maritimes.
    Le 03 juillet 1940, le Sea Transport Office (S.T.O) anglais décida de réquisitionner le paquebot et de le réaffecter aux transports de troupes du Commonwealth entre l'Asie et l'Afrique. Avec l'accord des autorités locales, un état-major de "free frenchs" fut constitué, ce qui permit de réarmer le navire avec un équipage mixte franco-anglais. Le commandement resta malgré tout anglais. De 1940 à 1942, le navire multiplia les liaisons entre l'Asie (Inde, Malaisie, Australie) et le Proche-Orient.

    Le premier convoi de troupes du "Félix Roussel" a lieu dès le mois d'octobre 1940. Le navire, arborant l'Union Jack, embarque des soldats australiens et néo-zélandais (ANZAC) pour les débarquer en Egypte. Il occupe la position peu enviable de tête de file, ouvrant la route à une poignée de vieux cargos poussifs escortés par un croiseur et deux destroyers de la Royal Navy. Très vite des problèmes importants de machines apparaissent.
    Le Félix Roussel est une unité moderne capable de marcher 23 nœuds et la vitesse de 8 nœuds imposée par les navires les plus anciens, entraîne de sérieux soucis de chaufferie. Pour y pallier le navire occupe alors la position de serre-file, la plus risquée en cas de torpillage. Depuis plusieurs jours, le convoi est soumis à des attaques aériennes italiennes répétées mais de faible envergure. Le 21 octobre 1940, les navires s'engagent en mer rouge et doublent le port de Massaouah, tenu par les italiens. Ce derniers y entretiennent une flotte de destroyers et de sous-marins. Un peu plus au nord un combat nocturne s'engage entre les destroyers anglais et leur homologues de la Regia Marina Italiana. Rien à signaler, hormis un destroyer britannique endommagé. Le 23, alors que le "Félix Roussel", ainsi que quatre navires du convoi font relâche et se ravitaillent à Port-Soudan, un raid audacieux de deux avions italiens manque de le couler à quai ! Le 25 octobre, le convoi entre enfin dans le canal de Suez. Le "Félix Roussel" venait de subir son baptême du feu.
    En janvier 1942, le bâtiment appareille de Suez pour rejoindre Singapour, assiégé par les forces japonaises. Le convoi rapide composé de quatre unités (deux cargos et deux troopships) atteint Singapour le 05 février 1942. A l'approche du port, les navires sont brutalement pris à parti par une importante formation d'avions adverses. Deux bombes explosent entre les cheminées du "Félix Roussel", un incendie se déclare à bord, difficilement maîtrisé par les hommes de pont. Une formation de 27 appareils japonais s'acharne sur le convoi ! Le "Félix Roussel" semble être la cible la plus alléchante pour l'ennemi et les attaques se succèdent à un rythme effréné. Les pilotes de l'Empire du soleil levant, plongent sur le paquebot et le strafent. Les balles et les obus de 20mm criblent et déchirent les ponts dans le fracas assourdissant des vombrissements de moteurs.
    Mais bien vite, à bord, la défense s'organise, les soldats d'élite du 9th Northumberland Fusiliers, quittent le cales et se déploient sur les ponts pour y mettre en batterie leur mitrailleuses et leurs Brens.
    De son côté, le commandant aidé du timonier multiplie les manœuvres d'évasion, change d'allure et fait zigzaguer son navire, cherchant à gêner les pilotes japonais. Bientôt, les "tommies", aguerris aux techniques de la DCA par leurs combats dans les Flandres en 1939, ouvrent le feu et constituent autour du bâtiment un véritable rideau défensif. Les officiers ordonnent que les tirs soient allongés et c'est un véritable mur de feu qui se dresse aux dessus des navires. Deux appareils japonais sont littéralement désintégrés en vol ! Des milliers de petits débris viennent frappés la surface de l'océan... aucun parachute ne s'ouvre...
    Lorsque l'attaque aérienne s'achève, le bilan pour le convoi est lourd. L'autre troopship, le paquebot britannique "Empress of Asia" est en train de flamber, immobilisé et désemparé. A son bord se trouvaient, des médecins et des infirmières volontaires pour rejoindre Singapour assiégé. Blessé à mort, le bâtiment donne de la gîte et commence à sombrer lentement. Les hommes d'équipage et les passagers en désespoir, se jettent à la mer, mais malheureusement bien souvent, se retrouvent prisonniers de nappes de pétrole enflammées. Le "Félix Roussel" met à l'eau ses rares embarcations de secours et ses chaloupes, pour porter secours aux rescapés. Les malheureux sont hissés à bord, le yeux hagards, couverts de mazout et souvent brûlés... On les compte, miracle ! Tous sont vivants, mais à bord du "Félix Roussel", on dénombre cinq morts parmi les héroïques mitrailleurs du 9th Northumberland Fusiliers.
    A la faveur de la nuit, les restes du convoi se faufilent enfin dans le port. Les infrastructures, cibles des attaques japonaises, sont en grande partie détruites, des incendies ravagent la ville. Singapour agonise. A l'abri des batteries côtières, une messe est organisée tandis que les hommes du "Félix Roussel" immergent leurs morts. Dans le black out total, le navire embarque des réfugiés civils, femmes et enfants pour la plupart, qui abandonnent la ville pour rejoindre l'abri de l'Inde voisine. Le navire quitte Singapour en pleine nuit, à la lueur des incendies qui ravagent la ville. Il sera le dernier navire allié à quitter la rade, avant la capitulation de la place forte.

    Pour le "Félix Roussel", désormais sous commandement "free french", les voyages continuent sous la menace permanente des torpillage et des raids : Durban, Suez, Bombay, Nouméa... En 1943, le navire rejoint l'Angleterre pour y subir de nouvelles transformations. Il pourra désormais embarquer 3.000 hommes. Sa DCA est aussi considérablement améliorée. Le bâtiment quitte la Grande-Bretagne, avec un équipage exclusivement composé de français libres (F.F.L). Il reprend ses traversées et ses transports en Asie du Sud-Est, jusqu'en 1945.
    En 1946, rendu à la France par l'Angleterre, le "Félix Roussel" rejoindra enfin son port d'attache, Marseille, après six longues années d'absence. Le navire se verra décerner à deux reprises la Croix de Guerre. Il recevra en outre la Croix de la Libération et de nombreuses distinctions britanniques.

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